Une réserve d’agriculteurs pour aider les pompiers face aux incendies ?

Incendies : Faut-il créer une réserve d’agriculteurs pour aider les pompiers contre les feux ?

ENTRAIDELors des violents incendies qui ont ravagé la France cet été, de nombreux agriculteurs ont apporté leur aide spontanée, notamment en acheminant de l’eau
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Cet été, les agriculteurs ont été nombreux à lutter contre le feu en approvisionnant les pompiers en eau.
  • Un élu du Finistère souhaite créer une réserve d’agriculteurs capables d’être mobilisés aux côtés des pompiers lors d’incendies.
  • Certains rappellent que des dispositifs existent déjà mais doivent être régulièrement mis à jour sous peine de tomber aux oubliettes.

Leurs tonnes à eau sont énormes. Tantôt décriés quand elles transportent un lisier odorant, les immenses réservoirs des agriculteurs français ont trouvé un nouvel usage inattendu cet été. Alors que les forêts françaises étaient ravagées par les flammes, des dizaines et des dizaines de paysans ont quitté leurs champs pour s’approcher du feu et ravitailler les pompiers en eau. Imaginez un peu : quand elles transportent 18.000 litres, voire 25.000 litres d’eau, les tonnes des agriculteurs affichent des capacités trois à quatre fois supérieures à celle d’un canadair. Colossal.

La spontanéité avec laquelle les paysans ont déferlé en Gironde, dans le Jura, en Anjou, à Brocéliande ou dans le Finistère a été partout saluée. Au point que certains maires ont suggéré de les indemniser pour compenser la consommation de carburant​, sans que la proposition ne fasse l’unanimité. Dans le Finistère, un élu du conseil départemental veut aller plus loin. Il vient d’écrire au préfet pour demander la mise en place d’une « réserve » d’agriculteurs capables de venir en aide aux soldats du feu. « Quand je me suis rendu dans les Monts d’Arrée après les reprises d’incendie, j’ai senti la frustration des agriculteurs. Ils avaient envie d’aider mais sans trop savoir où aller. Dans l’urgence, la coordination a manqué. Il faut travailler ensemble, coopérer, pour mieux déclencher », estime Kévin Faure, conseiller départemental du Finistère.

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Ce ressenti nous a été confirmé par Mickaël, un agriculteur installé en lisière de la forêt de Brocéliande, dans le Morbihan. En août, il a été appelé par un confrère élu dans l’une des communes cernées par le feu. « On est partis avec deux tonnes d’eau pour ravitailler les pompiers. La première fois, ils m’ont envoyé dans un petit chemin où je ne pouvais même pas faire demi-tour. Je ne voulais pas y retourner, c’était dangereux. Mais on voulait continuer à ravitailler, pour que les pompiers puissent continuer à travailler. Mais non, on ne nous a rien demandés. On est restés trois heures à glandouiller ». Un peu amer, l’éleveur dénonce « la mauvaise gestion des chefs » qui dirigeaient les opérations ce jour-là. « Les pompiers préféraient perdre du temps à aller se ravitailler », ajoute-t-il.

« Il faut savoir se parler »

En Bretagne, le risque d’incendie était sans doute minimisé, la région se pensant épargnée. C’était avant cet été si particulier. « Dans les années 1990, il y a eu de graves incendies et on s’était organisés avec les pompiers. Mais ça a été abandonné », reconnaît Cédric Henry, éleveur à Paimpont et président de la FDSEA 35. Lui est pour l’amélioration des liens un peu oubliés avec les pompiers. « Il faut savoir se parler ». Mais il estime qu’une indemnisation serait appréciée. « J’y suis favorable aussi, mais dans un cadre légal, encadré. C’est pour ça que je défends la création d’une réserve. L’indemnisation pourrait être une incitation à y prendre part », estime l’élu Kévin Faure.

A Landiras, les pompiers ont reçu le soutien d'agriculteurs qui leur ont notamment assuré un approvisionnement en eau.
A Landiras, les pompiers ont reçu le soutien d'agriculteurs qui leur ont notamment assuré un approvisionnement en eau.  - P. Lopez/AFP

Cette réserve, tout le monde n’y est pas favorable. Pas sur le principe d’une meilleure coordination, qui est applaudie par tout le monde. Mais surtout parce que des dispositifs existent déjà, notamment depuis la loi de modernisation de Sécurité civile de 2004 qui protège les intervenants. Problème : ces outils sont trop peu utilisés. « Les mairies peuvent activer leur réserve communale de Sécurité civile comme elles le font parfois lors des tempêtes ou des inondations. C’est assez développé dans le milieu rural. Mais pas toujours à jour », assure Matthieu Jomain. Le commandant des pompiers de Gironde maîtrise bien le sujet, lui qui a longtemps été chef de centre près de Bordeaux. Cet été, il a pu constater l’élan de solidarité quand des milliers d’hectares ont été ravagés à Landiras et à La Teste-de-Buch. « L’aide des agriculteurs a été déterminante. On les a injectés dans notre dispositif opérationnel. D’habitude, ils restent en marge. Là, ils étaient au front », explique le commandant.

Certains ont géré l’approvisionnement en eau des camions du SDIS, évitant aux soldats du feu des allers-retours pour recharger. D’autres qui n’avaient pas les vannes adaptées ont reçu pour mission de noyer des secteurs pour éviter les reprises de feu. « La coordination a été excellente mais aussi parce qu’on se connaît. On a l’habitude de se voir, de se parler. Je comprends les maires qui appellent à la création de tel ou tel dispositif, ça part d’une bonne volonté. Mais bien souvent, cela existe déjà. On y pense pendant les catastrophes et après, on oublie ».